LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 63, point 3) b),
vu la proposition de la Commission,
vu l’avis du Comité économique et social européen (1),
vu l’avis du Comité des régions (2),
statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 du traité (3),
considérant ce qui suit:
(1) |
Lors de sa réunion des 14 et 15 décembre 2006, le Conseil européen est convenu de renforcer la coopération entre États membres en matière de lutte contre l’immigration illégale et a notamment reconnu que les mesures contre l’emploi illégal devaient être intensifiées aux niveaux des États membres et de l’Union européenne. |
(2) |
L’un des facteurs d’attraction essentiels de l’immigration illégale dans l’Union est la possibilité de trouver du travail dans l’Union sans détenir le statut juridique requis. L’action visant à lutter contre l’immigration illégale et le séjour irrégulier devrait donc prévoir des mesures à l’encontre de ce facteur d’attraction. |
(3) |
De telles mesures devraient être axées autour d’une interdiction générale de l’emploi de ressortissants de pays tiers qui n’ont pas le droit de séjourner dans l’Union, assortie de sanctions à l’encontre des employeurs qui l’enfreignent. |
(4) |
La présente directive prévoyant des normes minimales, les États membres devraient demeurer libres d’adopter ou de maintenir des sanctions et des mesures plus sévères, et d’imposer des obligations plus strictes aux employeurs. |
(5) |
La présente directive ne devrait pas s’appliquer aux ressortissants de pays tiers qui se trouvent en séjour régulier dans un État membre, qu’ils soient ou non autorisés à travailler sur son territoire. En outre, elle ne devrait pas s’appliquer aux personnes jouissant du droit communautaire à la libre circulation, telles que définies à l’article 2, paragraphe 5, du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (4). En outre, elle ne devrait pas s’appliquer aux ressortissants de pays tiers se trouvant dans une situation relevant du droit communautaire, par exemple les personnes employées légalement dans un État membre et détachées dans un autre État membre par un prestataire de service dans le cadre d’une prestation de services. La présente directive devrait s’appliquer sans préjudice de la législation nationale interdisant l’emploi de ressortissants de pays tiers qui se trouvent en séjour régulier, mais qui travaillent en violation de leur statut de résident. |
(6) |
Aux fins de la présente directive, certains termes devraient être définis et ces définitions ne devraient être utilisées que dans le cadre de la présente directive. |
(7) |
La définition du terme «emploi» devrait couvrir les éléments constitutifs de celui-ci, c’est-à-dire les activités qui sont ou devraient être rémunérées, exercées pour un employeur ou sous sa direction et/ou sa surveillance, quel que soit le lien juridique. |
(8) |
La définition du terme «employeur» peut couvrir une association de personnes reconnue comme ayant la capacité d’accomplir des actes juridiques sans avoir la personnalité juridique. |
(9) |
Pour prévenir l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, les employeurs devraient être tenus de vérifier, avant de recruter des ressortissants de pays tiers, que ces derniers disposent d’un titre de séjour valable ou d’une autre autorisation de séjour équivalente indiquant qu’ils se trouvent en séjour régulier sur le territoire de l’État membre de recrutement, y compris dans le cas de ressortissants de pays tiers recrutés aux fins d’un détachement dans un autre État membre dans le cadre d’une prestation de services. |
(10) |
Pour permettre, notamment, aux État membres de détecter les documents falsifiés, les employeurs devraient également être obligés d’informer les autorités compétentes de l’emploi d’un ressortissant d’un pays tiers. Afin de réduire le plus possible la charge administrative, les États membres devraient être libres de prévoir que ces informations sont fournies dans le cadre d’autres dispositifs d’information. Les États membres devraient également être libres d’opter pour une procédure simplifiée d’information par les employeurs qui sont des personnes physiques, lorsqu’il s’agit d’un emploi à des fins privées. |
(11) |
Les employeurs ayant respecté les obligations imposées par la présente directive ne devraient pas être tenus pour responsables du recrutement de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, notamment si l’autorité compétente constate ultérieurement que le document présenté par un travailleur avait été falsifié ou utilisé abusivement, sauf si l’employeur savait que ce document était falsifié. |
(12) |
Afin de faciliter le respect par les employeurs de leurs obligations, les États membres devraient faire tout ce qui est possible pour traiter les demandes de renouvellement de titres de séjour en temps utile. |
(13) |
Pour exécuter l’interdiction générale et prévenir les infractions, les États membres devraient prévoir des sanctions appropriées. Celles-ci devraient inclure des sanctions financières et des contributions aux frais de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ainsi que la possibilité de réduire les sanctions financières des employeurs qui sont des personnes physiques, lorsqu’il s’agit d’un emploi à leurs fins privées. |
(14) |
L’employeur devrait en tout état de cause être tenu de verser aux ressortissants de pays tiers tout salaire impayé correspondant au travail effectué et de payer les cotisations sociales et impôts dus. Lorsque le niveau de rémunération ne peut pas être déterminé, il devrait être présumé être au moins aussi élevé que le salaire prévu par la législation applicable en matière de salaire minimal, les conventions collectives, ou selon une pratique établie dans le secteur professionnel correspondant. L’employeur devrait également être tenu de payer, le cas échéant, tous frais résultant de l’envoi des rémunérations impayées dans le pays dans lequel est rentré ou a été renvoyé le ressortissant d’un pays tiers illégalement employé. Lorsque les arriérés de paiement ne sont pas versés par l’employeur, les États membres ne devraient pas être obligés de remplir cette obligation à la place de l’employeur. |
(15) |
Les ressortissants de pays tiers employés illégalement ne devraient pas obtenir de droit d’entrée, de séjour et d’accès au marché du travail au motif de leur relation de travail illégale ou du paiement des rémunérations ou de leurs arriérés, des cotisations de sécurité sociale ou des impôts par l’employeur ou par une personne morale qui est tenue de les payer à sa place. |
(16) |
Les États membres devraient veiller à ce que des demandes soient ou puissent être introduites et que des mécanismes soient en place pour garantir que les montants recouvrés des salaires impayés puissent être versés aux ressortissants de pays tiers auxquels ils sont dus. Les États membres ne devraient pas être tenus d’associer à ces mécanismes leurs missions ou représentations dans les pays tiers. Dans le cadre de l’établissement effectif de mécanismes visant à faciliter les plaintes, et dans le cas où cela n’est pas déjà prévu par la législation nationale, les États membres devraient envisager la possibilité de permettre à une autorité compétente d’intenter une action contre un employeur en vue de recouvrer des rémunérations impayées, et la valeur ajoutée d’une telle permission. |
(17) |
Les États membres devraient également présumer que la relation de travail a duré au moins trois mois, de manière à ce que la charge de la preuve incombe à l’employeur au moins pour une certaine période. L’employé, notamment, devrait également avoir la possibilité d’apporter la preuve de l’existence et de la durée d’une relation de travail. |
(18) |
Les États membres devraient prévoir la possibilité d’introduire d’autres sanctions à l’encontre des employeurs, entre autres l’exclusion du bénéfice de certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques, y compris les subventions agricoles, l’exclusion de procédures de passation de marchés publics et le recouvrement de certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques déjà octroyées, y compris les fonds de l’Union gérés par les États membres. Les États membres devraient être libres de décider de ne pas appliquer ces autres sanctions à l’encontre des employeurs qui sont des personnes physiques, lorsqu’il s’agit d’emploi à leurs fins privées. |
(19) |
La présente directive, et notamment ses articles 7, 10 et 12, devrait s’appliquer sans préjudice du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (5). |
(20) |
Compte tenu du recours fréquent à la sous-traitance dans certains des secteurs affectés, il est nécessaire de veiller à ce que, à tout le moins, le contractant dont l’employeur est un sous-traitant direct puisse être redevable des sanctions financières infligées à l’employeur, en ses lieu et place ou solidairement avec lui. Dans certains cas, d’autres contractants peuvent être redevables des sanctions financières infligées à un employeur de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en ses lieu et place ou solidairement avec lui. Les arriérés de paiement qui doivent être couverts par les dispositions de la présente directive relatives à la responsabilité devraient également comprendre les contributions aux fonds de financement des pécules de vacances et aux fonds sociaux nationaux régis par la loi ou par des conventions collectives. |
(21) |
L’expérience montre que les systèmes de sanctions existants se sont révélés insuffisants pour garantir le respect total des interdictions frappant l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, notamment parce que des sanctions administratives ne permettent vraisemblablement pas, à elles seules, de dissuader certains employeurs peu scrupuleux. Le respect des règles peut et devrait être renforcé par l’application de sanctions pénales. |
(22) |
Pour garantir la pleine efficacité de l’interdiction générale, des sanctions plus dissuasives sont donc particulièrement nécessaires dans les cas graves, tels que les infractions répétées de manière persistante, l’emploi illégal d’un nombre significatif de ressortissants de pays tiers, des conditions de travail particulièrement abusives lorsque l’employeur sait que le travailleur est victime de la traite d’êtres humains, et l’emploi illégal d’un mineur. La présente directive fait obligation aux États membres de prévoir des sanctions pénales dans leur législation nationale pour punir ces infractions graves. Elle ne crée aucune obligation en ce qui concerne l’application de ces peines, ou tout autre système d’application de la loi, dans des cas individuels. |
(23) |
Dans tous les cas jugés graves conformément à la présente directive, l’infraction devrait être considérée comme une infraction pénale dans l’ensemble de la Communauté lorsqu’elle est intentionnelle. Les dispositions de la présente directive relatives aux infractions pénales devraient s’appliquer sans préjudice de l’application de la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains (6). |
(24) |
Les infractions pénales devraient être passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. L’obligation d’assurer des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives conformément à la présente directive est sans préjudice de l’organisation interne du droit pénal et de la justice pénale dans les États membres. |
(25) |
Les personnes morales peuvent également être tenues responsables des infractions pénales visées dans la présente directive, parce que beaucoup d’employeurs sont des personnes morales. Les dispositions de la présente directive n’entraînent pas l’obligation pour les États membres d’introduire la responsabilité pénale des personnes morales dans leur législation. |
(26) |
Pour faciliter l’exécution de la présente directive, des mécanismes de réclamation efficaces devraient être mis en place pour permettre aux ressortissants de pays tiers concernés de porter plainte directement ou par l’intermédiaire de tiers désignés, tels que des organisations syndicales ou d’autres associations. Les tiers désignés qui offrent leur assistance dans l’introduction de plaintes devraient être protégés contre d’éventuelles sanctions en vertu des règles interdisant l’aide au séjour irrégulier. |
(27) |
Pour compléter les mécanismes de réclamation, les États membres devraient être libres d’octroyer aux ressortissants de pays tiers ayant été soumis à des conditions de travail particulièrement abusives ou qui étaient des mineurs illégalement employés et qui collaborent aux poursuites pénales engagées à l’encontre de leur employeur, un titre de séjour d’une durée limitée liée à la durée de la procédure nationale correspondante. Ces titres devraient être accordés selon des modalités comparables à celles applicables aux ressortissants de pays tiers entrant dans le champ d’application de la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes (7). |
(28) |
Pour assurer un degré d’exécution satisfaisant de la présente directive et pour réduire, dans la mesure du possible, des écarts importants dans le degré d’exécution entre les États membres, ces derniers devraient veiller à ce que des inspections efficaces et appropriées soient effectuées sur leur territoire, et communiquer à la Commission des données sur les inspections qu’ils effectuent. |
(29) |
Les États membres devraient être encouragés à fixer, chaque année, un objectif national en ce qui concerne le nombre d’inspections effectuées dans les secteurs d’activités dans lesquels l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire est concentré. |
(30) |
En vue d’une efficacité croissante des inspections aux fins de l’application de la présente directive, les États membres devraient veiller à ce que la législation nationale donne des pouvoirs adéquats aux autorités compétentes pour procéder aux inspections, que les informations concernant l’emploi illégal, y compris les résultats des inspections antérieures, soient collectées et traitées en vue d’une application efficace de la présente directive, et que suffisamment de personnel doté des compétences et des qualifications nécessaires soit disponible pour effectuer efficacement les inspections. |
(31) |
Les États membres devraient veiller à ce que les inspections effectuées aux fins de l’application de la présente directive n’affectent pas, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif, celles effectuées pour évaluer l’emploi et les conditions de travail. |
(32) |
En ce qui concerne les travailleurs détachés ressortissants de pays tiers, les autorités d’inspection des États membres peuvent avoir recours à la coopération et aux échanges d’informations prévus par la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (8), pour vérifier que les ressortissants de pays tiers concernés sont employés légalement dans l’État membre d’origine. |
(33) |
La présente directive devrait être considérée comme complémentaire des mesures visant à lutter contre le travail non déclaré et l’exploitation. |
(34) |
Conformément au point 34 de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» (9), les États membres sont encouragés à établir, pour eux-mêmes et dans l’intérêt de la Communauté, leurs propres tableaux, qui illustrent, dans la mesure du possible, la concordance entre la présente directive et les mesures de transposition, et à les rendre publics. |
(35) |
Tout traitement de données à caractère personnel effectué dans le cadre de la mise en œuvre de la présente directive devrait être conforme à la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (10). |
(36) |
Étant donné que l’objectif de la présente directive, à savoir combattre l’immigration illégale en réduisant le facteur d’attraction que constituent les possibilités d’emploi, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison de la portée et des effets de la présente directive, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, la présente directive n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. |
(37) |
La présente directive respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Plus particulièrement, elle devrait être appliquée dans le respect de la liberté d’entreprise, des principes d’égalité en droit et de non-discrimination, du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial et des principes de légalité et de proportionnalité des délits et des peines, conformément aux articles 16, 20, 21, 47 et 49 de la Charte. |
(38) |
Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande joint au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, et sans préjudice de l’article 4 dudit protocole, ces États membres ne participent pas à l’adoption de la présente directive et ne sont donc pas liés par celle-ci ni soumis à son application. |
(39) |
Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Danemark joint au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Danemark ne participe pas à l’adoption de la présente directive et n’est donc pas lié par celle-ci ni soumis à son application, |
ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE: