LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 78, paragraphe 3,
vu la proposition de la Commission européenne,
vu l'avis du Parlement européen (1),
considérant ce qui suit:
(1) |
Conformément à l'article 78, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), au cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés. |
(2) |
Conformément à l'article 80 du TFUE, les politiques de l'Union relatives aux contrôles aux frontières, à l'asile et à l'immigration, et leur mise en œuvre, doivent être régies par le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, et les actes de l'Union adoptés dans ce domaine doivent contenir des mesures appropriées pour l'application de ce principe. |
(3) |
La récente situation de crise en Méditerranée a amené les institutions de l'Union à reconnaître immédiatement le caractère exceptionnel des flux migratoires dans cette région et impose des mesures concrètes de solidarité à l'égard des États membres situés en première ligne. En particulier, à l'occasion d'une session conjointe des ministres des affaires étrangères et de l'intérieur, le 20 avril 2015, la Commission a présenté un plan de mesures immédiates en dix points pour faire face à cette crise, comprenant un engagement à examiner les possibilités d'instaurer un mécanisme de relocalisation d'urgence. |
(4) |
Lors de sa réunion du 23 avril 2015, le Conseil européen a notamment décidé de renforcer la solidarité et la responsabilité internes, en s'engageant en particulier à accroître l'aide d'urgence destinée aux États membres qui se trouvent en première ligne et à examiner les possibilités d'organiser une «répartition» d'urgence entre les États membres sur une base volontaire, ainsi qu'à déployer, dans les États membres qui se trouvent en première ligne, des équipes du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) chargées d'assurer un traitement conjoint des demandes de protection internationale, y compris l'enregistrement et le relevé d'empreintes digitales. |
(5) |
Dans sa résolution du 28 avril 2015, le Parlement européen a réaffirmé la nécessité pour l'Union de répondre aux récentes tragédies survenues en Méditerranée en se fondant sur le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités, et d'accentuer ses efforts dans ce domaine envers les États membres qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés et de demandeurs de protection internationale, en valeur aussi bien absolue que relative. |
(6) |
Outre des mesures dans le domaine de l'asile, les États membres situés en première ligne devraient accroître les efforts qu'ils déploient pour mettre en place des mesures destinées à faire face aux flux de migration mixte aux frontières extérieures de l'Union européenne. De telles mesures devraient être de nature à préserver les droits des personnes ayant besoin d'une protection internationale et à prévenir l'immigration irrégulière. |
(7) |
Lors de sa réunion des 25 et 26 juin 2015, le Conseil européen a entre autres décidé qu'il convenait de développer en parallèle trois volets essentiels: relocalisation/réinstallation, retour/réadmission/réintégration et coopération avec les pays d'origine et de transit. Compte tenu de la situation d'urgence actuelle et de l'engagement qui a été pris de renforcer la solidarité et la responsabilité, le Conseil européen est convenu en particulier de la relocalisation temporaire et exceptionnelle sur deux ans, depuis l'Italie et la Grèce vers d'autres États membres, de 40 000 personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale, à laquelle tous les États membres participeraient. |
(8) |
La situation particulière dans laquelle se trouve chaque État membre résulte en particulier de flux migratoires dans d'autres régions géographiques, comme la route migratoire des Balkans occidentaux. |
(9) |
En 2014, plusieurs États membres ont été confrontés à une hausse significative du nombre total de migrants arrivant sur leur territoire, parmi lesquels des demandeurs de protection internationale, et pour certains d'entre eux, cette tendance s'est poursuivie en 2015. La Commission et l'EASO ont respectivement fourni une aide financière d'urgence et un soutien opérationnel à plusieurs États membres pour les aider à faire face à cette augmentation. |
(10) |
Parmi les États membres qui font face à des pressions considérables et à la lumière des tragédies récentes en Méditerranée, l'Italie et la Grèce en particulier ont connu un afflux sans précédent de migrants arrivant sur leur territoire, dont des demandeurs de protection internationale qui ont manifestement besoin d'une protection internationale, ce qui exerce une forte pression sur leurs régimes d'asile et de migration. |
(11) |
Le 20 juillet 2015, compte tenu de la situation particulière de chaque État membre, une résolution des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, concernant la relocalisation depuis la Grèce et l'Italie de 40 000 personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale a été adoptée par consensus. Sur deux ans, 24 000 personnes seront relocalisées depuis l'Italie et 16 000 personnes depuis la Grèce. Le 14 septembre 2015, le Conseil a adopté la décision (UE) 2015/1523 (2) instituant un mécanisme temporaire et exceptionnel de relocalisation, depuis l'Italie et la Grèce vers d'autres États membres, de personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale. |
(12) |
Ces derniers mois, la pression migratoire aux frontières méridionales extérieures, tant terrestres que maritimes, s'est encore fortement accrue et le déplacement des flux migratoires s'est poursuivi, de la route de la Méditerranée centrale vers celle de la Méditerranée orientale et vers la route des Balkans occidentaux, en raison du nombre croissant de migrants arrivant en Grèce et provenant de ce pays. Compte tenu de la situation, il convient de garantir la mise en place de mesures provisoires supplémentaires pour alléger la pression qui s'exerce en matière d'asile sur l'Italie et la Grèce. |
(13) |
Selon les données de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex), les itinéraires de la Méditerranée centrale et orientale ont constitué la principale zone de franchissement irrégulier des frontières dans l'Union au cours des huit premiers mois de 2015. Depuis le début de 2015, près de 116 000 migrants sont arrivés en Italie de manière irrégulière (dont près de 10 000 migrants en situation irrégulière qui ont été enregistrés par les autorités locales, mais doivent encore faire l'objet d'une confirmation dans les données de Frontex). Au cours des mois de mai et de juin 2015, 34 691 franchissements irréguliers des frontières ont été détectés par Frontex, et pendant les mois de juillet et août, ce chiffre a atteint 42 356, soit une augmentation de 20 %. Une forte augmentation a également été observée en 2015 en Grèce, où plus de 211 000 migrants en situation irrégulière sont arrivés sur le territoire grec (dont environ 28 000 ont été enregistrés par les autorités locales, mais doivent encore faire l'objet d'une confirmation dans les données de Frontex). Au cours des mois de mai et de juin 2015, 53 624 franchissements irréguliers des frontières ont été détectés par Frontex, et pendant les mois de juillet et août, ce chiffre a atteint 137 000, soit une augmentation de 250 %. Une partie importante du nombre total de migrants en situation irrégulière détectés dans ces deux régions était des personnes possédant une nationalité qui, selon les données d'Eurostat, fait l'objet, à l'échelle de l'Union, d'un taux élevé de reconnaissance. |
(14) |
Selon les chiffres d'Eurostat et de l'EASO, 39 183 personnes ont demandé une protection internationale en Italie entre janvier et juillet 2015, contre 30 755 au cours de la même période en 2014 (soit une progression de 27 %). Une augmentation similaire du nombre de demandes a été enregistrée en Grèce, qui a recensé 7 475 demandeurs (soit une hausse de 30 %). |
(15) |
De nombreuses mesures ont été prises à ce jour pour venir en aide à l'Italie et à la Grèce dans le cadre de la politique de migration et d'asile, notamment en leur fournissant une aide d'urgence substantielle et un important soutien opérationnel de l'EASO. L'Italie et la Grèce ont été les deuxième et troisième bénéficiaires des fonds versés au cours de la période 2007-2013 au titre du programme général «Solidarité et gestion des flux migratoires» (SOLID), et ont en outre reçu une aide d'urgence substantielle. L'Italie et la Grèce resteront sans doute les principaux bénéficiaires du Fonds «Asile, migration et intégration» (AMIF) au cours de la période 2014-2020. |
(16) |
L'instabilité et les conflits constants dans le voisinage immédiat de l'Italie et de la Grèce, ainsi que les répercussions des flux migratoires sur d'autres États membres, continueront très probablement à exercer une pression significative et croissante sur leurs régimes d'asile et de migration, une grande partie des migrants pouvant avoir besoin d'une protection internationale. Il est dès lors essentiel de faire preuve de solidarité à l'égard de l'Italie et de la Grèce et de compléter les mesures prises à ce jour par des mesures provisoires dans le domaine de l'asile et de la migration. |
(17) |
Le 22 septembre 2015, le Conseil a constaté que les États membres étaient prêts et disposés à participer, dans le respect des principes de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, qui régissent la politique de l'Union en matière d'asile et de migration, à la relocalisation de 120 000 personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale. Le Conseil a donc décidé d'adopter la présente décision. |
(18) |
Il convient de rappeler que la décision (UE) 2015/1523 fait obligation à l'Italie et à la Grèce de fournir des solutions structurelles permettant de faire face aux pressions exceptionnelles exercées sur leurs régimes d'asile et de migration par la mise en place d'un cadre stratégique solide pour faire face à la situation de crise et intensifier le processus de réforme en cours dans ces domaines. Les feuilles de route que l'Italie et la Grèce ont présentées à cette fin devraient être actualisées pour tenir compte de la présente décision. |
(19) |
Dans la mesure où le Conseil européen a marqué son accord sur un ensemble de mesures liées entre elles, la Commission devrait être habilitée à suspendre, le cas échéant et après avoir donné à l'État membre concerné la possibilité de formuler des observations, l'application de la présente décision pendant une période limitée au cas où l'Italie ou la Grèce ne respecterait pas ses engagements à cet égard. |
(20) |
À compter du 26 septembre 2016, 54 000 demandeurs devraient faire l'objet d'une relocalisation au prorata depuis l'Italie et la Grèce vers le territoire d'autres États membres. Il convient que le Conseil et la Commission assurent un suivi permanent de la situation relative aux afflux massifs de ressortissants de pays tiers sur le territoire d'États membres. La Commission devrait présenter, le cas échéant, des propositions visant à modifier la présente décision afin de faire face à l'évolution de la situation sur le terrain et à son incidence sur le mécanisme de relocalisation, ainsi qu'à l'évolution de la pression qui s'exerce sur des États membres, en particulier ceux qui sont situés en première ligne. Ce faisant, elle devrait tenir compte du point de vue de l'État membre bénéficiaire potentiel. Dans l'hypothèse où la présente décision serait modifiée au profit d'un autre État membre, celui-ci devrait, à la date d'entrée en vigueur de la décision modificative correspondante du Conseil, présenter au Conseil et à la Commission une feuille de route prévoyant notamment des mesures adéquates en matière d'asile, de premier accueil et de retour, destinées à renforcer la capacité, la qualité et l'efficacité de son régime dans ces domaines, ainsi que des mesures visant à assurer une mise en œuvre correcte de la présente décision, afin de permettre à ce pays, après la période d'application de la présente décision, de mieux faire face à une éventuelle augmentation de l'afflux de migrants sur son territoire. |
(21) |
Si un État membre quel qu'il soit devait se trouver confronté à une situation d'urgence similaire caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, et après consultation du Parlement européen, peut adopter des mesures provisoires au profit de l'État membre concerné, sur la base de l'article 78, paragraphe 3, du TFUE. Ces mesures peuvent comprendre, s'il y a lieu, une suspension des obligations de cet État membre telles qu'elles sont prévues dans la présente décision. |
(22) |
Conformément à l'article 78, paragraphe 3, du TFUE, les mesures envisagées au profit de l'Italie et de la Grèce devraient être de nature provisoire. Une période de vingt-quatre mois constitue un délai raisonnable pour s'assurer que les mesures prévues par la présente décision produisent un effet réel aux fins de l'aide accordée à l'Italie et à la Grèce pour gérer les flux migratoires importants sur leur territoire. |
(23) |
Les mesures de relocalisation depuis l'Italie et la Grèce prévues dans la présente décision impliquent une dérogation temporaire à la règle fixée à l'article 13, paragraphe 1, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil (3), selon laquelle l'Italie et la Grèce auraient autrement été responsables de l'examen d'une demande de protection internationale sur la base des critères énoncés au chapitre III dudit règlement, ainsi qu'une dérogation temporaire aux étapes de la procédure, y compris les délais, définis aux articles 21, 22 et 29 dudit règlement. Les autres dispositions du règlement (UE) no 604/2013, y compris les modalités d'application prévues dans le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission (4) et dans le règlement d'exécution (UE) no 118/2014 de la Commission (5), restent applicables, y compris celles relatives à l'obligation pour les États membres procédant au transfert de faire face aux coûts nécessaires pour transférer un demandeur vers l'État membre de relocalisation, à la coopération en matière de transferts entre les États membres ainsi qu'à la transmission d'informations par le réseau de communication électronique DubliNet. La présente décision implique également une dérogation au consentement du demandeur d'une protection internationale, tel qu'il est visé à l'article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 516/2014 du Parlement européen et du Conseil (6). |
(24) |
Les mesures de relocalisation ne dispensent pas les États membres d'appliquer intégralement le règlement (UE) no 604/2013, y compris les dispositions relatives au regroupement familial et à la protection spéciale des mineurs non accompagnés, et la clause discrétionnaire pour raisons humanitaires. |
(25) |
Il convenait d'opérer un choix en ce qui concerne les critères à appliquer pour déterminer quels demandeurs doivent faire l'objet d'une relocalisation depuis l'Italie et la Grèce, ainsi que leur nombre, sans préjudice des décisions rendues au niveau national sur les demandes d'asile. Un système clair et réaliste est envisagé, lequel serait fondé sur un seuil du taux moyen, à l'échelle de l'Union, des décisions d'octroi d'une protection internationale prises en première instance, tel qu'il est déterminé par Eurostat, par rapport à l'ensemble des décisions sur les demandes de protection internationale rendues dans l'Union en première instance, sur la base des dernières statistiques. D'une part, ce seuil devrait permettre, autant que possible, que tous les demandeurs qui ont manifestement besoin d'une protection internationale jouissent pleinement et rapidement de leurs droits à une protection dans l'État membre de relocalisation. D'autre part, il devrait permettre d'empêcher, autant que possible, que les demandeurs dont la demande serait probablement refusée fassent l'objet d'une relocalisation vers un autre État membre et prolongent ainsi indûment leur séjour dans l'Union. Sur la base des dernières données trimestrielles disponibles actualisées d'Eurostat concernant les décisions prises en première instance, il convient d'appliquer, aux fins de la présente décision, un seuil de 75 %. |
(26) |
Le but des mesures provisoires est d'alléger la pression considérable qui s'exerce sur les régimes d'asile italien et grec, notamment en relocalisant un nombre important de demandeurs ayant manifestement besoin d'une protection internationale et qui seront arrivés sur le territoire de l'Italie ou de la Grèce après la date à laquelle la présente décision deviendra applicable. Sur la base du nombre global de ressortissants de pays tiers qui sont entrés irrégulièrement en Italie ou en Grèce en 2015, et du nombre de ceux qui ont manifestement besoin d'une protection internationale, un total de 120 000 demandeurs ayant manifestement besoin d'une protection internationale devraient être relocalisés depuis l'Italie et la Grèce. Ce nombre représente environ 43 % du nombre total de ressortissants de pays tiers ayant manifestement besoin d'une protection internationale qui sont entrés irrégulièrement en Italie ou en Grèce en juillet et en août 2015. Cette mesure de relocalisation prévue par la présente décision constitue un partage équitable de la charge entre l'Italie et la Grèce, d'une part, et les autres États membres, d'autre part, compte tenu de l'ensemble des chiffres disponibles sur les franchissements irréguliers de frontières en 2015. Eu égard aux chiffres en jeu, 13 % de ces demandeurs devraient être relocalisés depuis l'Italie, 42 % depuis la Grèce, et 45 % devraient l'être selon les dispositions de la présente décision. |
(27) |
Dans des circonstances exceptionnelles, un État membre peut, dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente décision, notifier au Conseil et à la Commission, en invoquant des motifs dûment justifiés compatibles avec les valeurs fondamentales de l'Union consacrées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne, qu'il est dans l'incapacité de participer au processus de relocalisation de demandeurs dans une proportion pouvant atteindre 30 % du contingent de demandeurs qui lui a été attribué conformément à la présente décision. Ces circonstances exceptionnelles comprennent, en particulier, une situation caractérisée par un afflux soudain et massif de ressortissants de pays tiers d'une ampleur telle qu'il exerce une pression extrême, même sur un système d'asile bien préparé qui autrement fonctionne conformément à l'acquis de l'Union applicable en matière d'asile, ou le risque d'un afflux soudain et massif de ressortissants de pays tiers d'une probabilité telle qu'elle justifie une action immédiate. À la suite d'une évaluation, la Commission devrait présenter au Conseil des propositions de décision d'exécution concernant la suspension temporaire de la relocalisation de demandeurs dans une proportion pouvant atteindre 30 % du contingent de demandeurs attribué à l'État membre concerné. Lorsque cela se justifie, la Commission peut proposer de proroger le délai fixé pour la relocalisation du contingent restant de douze mois au plus au-delà de la durée d'application de la présente décision. |
(28) |
Afin de garantir des conditions uniformes pour la mise en œuvre de la relocalisation dans le cas d'une relocalisation proportionnelle de 54 000 demandeurs provenant d'Italie et de Grèce vers les autres États membres, dans le cas où la participation d'un ou de plusieurs États membres à la relocalisation de demandeurs devrait être suspendue, ou dans le cas où, après avoir procédé aux notifications pertinentes auprès du Conseil, un ou plusieurs autres États membres ou États associés participeraient à la relocalisation, il convient de conférer au Conseil des compétences d'exécution. L'attribution de ces compétences au Conseil est justifiée compte tenu du caractère politiquement sensible de ces mesures, qui touchent aux compétences nationales concernant l'admission de ressortissants de pays tiers sur le territoire des États membres ainsi que la nécessité de pouvoir s'adapter rapidement à des situations qui évoluent vite. |
(29) |
Le Fonds «Asile, migration et intégration» (AMIF), institué par le règlement (UE) no 516/2014, soutient les opérations de partage des charges entre les États membres et est ouvert à l'évolution des politiques dans ce domaine. L'article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 516/2014 prévoit la possibilité pour les États membres de mettre en œuvre des actions liées au transfert de demandeurs d'une protection internationale dans le cadre de leurs programmes nationaux, tandis que son article 18 prévoit la possibilité d'allouer une somme forfaitaire de 6 000 EUR pour le transfert des bénéficiaires d'une protection internationale en provenance d'un autre État membre. |
(30) |
En vue de mettre en œuvre le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités, et compte tenu du fait que la présente décision constitue une nouvelle évolution des politiques dans ce domaine, il convient de veiller à ce que les États membres qui, en vertu de la présente décision, assurent la relocalisation, depuis l'Italie ou la Grèce, de demandeurs ayant manifestement besoin d'une protection internationale, reçoivent, pour chaque personne relocalisée, une somme forfaitaire qui soit identique à celle prévue à l'article 18 du règlement (UE) no 516/2014, à savoir 6 000 EUR, et soit mise en œuvre au moyen des mêmes procédures. Cela implique une dérogation temporaire limitée à l'article 18 dudit règlement parce que le versement de la somme forfaitaire devrait concerner les demandeurs relocalisés plutôt que les bénéficiaires d'une protection internationale. Cette extension temporaire du champ d'application en ce qui concerne les destinataires potentiels de la somme forfaitaire fait en effet partie intégrante du dispositif d'urgence institué par la présente décision. En outre, en ce qui concerne le coût du transfert des personnes relocalisées en application de la présente décision, il y a lieu de prévoir que l'Italie et la Grèce reçoivent une somme forfaitaire d'au moins 500 EUR par personne relocalisée depuis leur territoire respectif, en tenant compte des coûts réels nécessaires au transfert d'un demandeur vers l'État membre de relocalisation. Les États membres devraient être autorisés à recevoir un préfinancement supplémentaire qui leur serait versé en 2016 à la suite de la révision de leurs programmes nationaux au titre du Fonds «Asile, migration et intégration» afin de mettre en œuvre des actions au titre de la présente décision. |
(31) |
Il est nécessaire de veiller à ce qu'une procédure de relocalisation rapide soit mise en place et d'assortir la mise en œuvre des mesures provisoires d'une étroite coopération administrative entre les États membres et d'un soutien opérationnel fourni par l'EASO. |
(32) |
Il y a lieu de prendre en considération la sécurité nationale et l'ordre public tout au long de la procédure de relocalisation, jusqu'au transfert effectif du demandeur. Dans le plein respect des droits fondamentaux du demandeur, y compris des règles pertinentes sur la protection des données, lorsqu'un État membre a de bonnes raisons de considérer qu'un demandeur représente un danger pour sa sécurité nationale ou l'ordre public sur son territoire, il devrait en informer les autres États membres. |
(33) |
Lorsqu'il est décidé quels demandeurs ayant manifestement besoin d'une protection internationale devraient faire l'objet d'une relocalisation depuis l'Italie ou la Grèce, la priorité devrait être accordée aux demandeurs vulnérables au sens des articles 21 et 22 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil (7). À cet égard, les besoins particuliers des demandeurs, y compris en matière de santé, devraient être au centre des préoccupations. L'intérêt supérieur de l'enfant devrait toujours être une considération primordiale. |
(34) |
L'intégration de demandeurs ayant manifestement besoin d'une protection internationale dans la société d'accueil constitue la pierre angulaire du bon fonctionnement du régime d'asile européen commun. Par conséquent, afin de décider quel devrait être l'État membre de relocalisation, il convient de tenir particulièrement compte des qualifications et des caractéristiques spécifiques des demandeurs concernés, telles que leurs compétences linguistiques, ainsi que d'autres indications personnelles fondées sur des liens familiaux, culturels ou sociaux dont l'existence est prouvée qui pourraient favoriser leur intégration dans l'État membre de relocalisation. Dans le cas de demandeurs particulièrement vulnérables, il convient de tenir compte de la capacité de l'État membre de relocalisation à fournir une aide appropriée à ces demandeurs et de la nécessité d'assurer une répartition équitable de ces demandeurs entre les États membres. En tenant dûment compte du principe de non-discrimination, les États membres de relocalisation peuvent indiquer leurs préférences quant aux demandeurs sur la base des informations précitées en fonction desquelles l'Italie et la Grèce, en concertation avec l'EASO et, le cas échéant, des officiers de liaison, peuvent établir des listes de demandeurs susceptibles d'être relocalisés vers un État membre en particulier. |
(35) |
Les garanties juridiques et procédurales énoncées dans le règlement (UE) no 604/2013 demeurent applicables à l'égard des demandeurs relevant du champ d'application de la présente décision. En outre, les demandeurs devraient être informés de la procédure de relocalisation énoncée dans la présente décision et se voir notifier la décision de relocalisation, laquelle constitue une décision de transfert au sens de l'article 26 du règlement (UE) no 604/2013. Dans la mesure où le droit de l'Union ne permet pas aux demandeurs de choisir l'État membre responsable de l'examen de leur demande, ceux-ci devraient disposer d'un droit de recours effectif contre la décision de relocalisation, conformément au règlement (UE) no 604/2013, et ce aux seules fins du respect de leurs droits fondamentaux. Conformément à l'article 27 dudit règlement, les États membres peuvent prévoir dans leur droit national que le recours contre la décision de transfert ne suspend pas automatiquement le transfert du demandeur, mais que la personne concernée a la possibilité de demander que l'exécution de la décision de transfert soit suspendue en attendant l'issue de son recours. |
(36) |
Avant et après leur transfert vers les États membres de relocalisation, les demandeurs jouissent des droits et garanties prévus par la directive 2013/32/UE (8) et la directive 2013/33/UE (9) du Parlement européen et du Conseil, y compris en ce qui concerne leurs besoins particuliers en matière d'accueil et de procédure. En outre, le règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil (10) demeure applicable à l'égard des demandeurs visés par la présente décision, et la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil (11) est applicable au retour des ressortissants de pays tiers qui n'ont pas le droit de rester sur le territoire. Les dispositions qui précèdent sont subordonnées aux limites applicables dans le cadre de l'application de ces directives. |
(37) |
Conformément à l'acquis de l'Union, il convient que l'Italie et la Grèce veillent à la mise en place d'un mécanisme solide d'identification, d'enregistrement et de relevé des empreintes digitales pour la procédure de relocalisation de manière à identifier rapidement les personnes ayant besoin d'une protection internationale qui peuvent prétendre à une relocalisation, ainsi que les migrants qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier d'une protection internationale et devraient, par conséquent, faire l'objet d'un retour. Cela devrait également s'appliquer aux personnes qui arrivent sur le territoire de l'Italie ou de la Grèce entre le 24 mars et le 25 septembre 2015 afin qu'ils puissent prétendre à la relocalisation. Lorsqu'un retour volontaire n'est pas possible et que d'autres mesures prévues par la directive 2008/115/CE ne sont pas appropriées pour empêcher les mouvements secondaires, des mesures de rétention conformes au chapitre IV de ladite directive devraient s'appliquer d'urgence et de manière effective. Les demandeurs qui se dérobent à la procédure de relocalisation devraient être exclus de la relocalisation. |
(38) |
Il y a lieu de prendre des mesures pour éviter les mouvements secondaires, entre l'État membre de relocalisation et les autres États membres, des personnes relocalisées, ces mouvements pouvant nuire à la bonne application de la présente décision. En particulier, les États membres devraient prendre les mesures préventives nécessaires dans le domaine de l'accès aux prestations sociales et aux voies de recours, conformément au droit de l'Union. En outre, les demandeurs devraient être informés des conséquences d'un déplacement ultérieur irrégulier dans les États membres et du fait qu'ils ne peuvent bénéficier des droits attachés à la protection internationale qui leur a été accordée par l'État membre de relocalisation que dans cet État membre. |
(39) |
En outre, conformément aux objectifs fixés dans la directive 2013/33/UE, l'harmonisation des conditions d'accueil entre les États membres devrait contribuer à limiter les mouvements secondaires des demandeurs d'une protection internationale liés à la diversité de ces conditions. En vue d'atteindre ce même objectif, les États membres devraient envisager d'imposer une obligation de se présenter aux autorités et d'assurer aux demandeurs d'une protection internationale de conditions matérielles d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis uniquement en nature, ainsi que, le cas échéant, de faire en sorte que les demandeurs soient directement transférés vers l'État membre de relocalisation. De même, pendant la période d'examen des demandes de protection internationale, comme le prévoit l'acquis concernant l'asile et Schengen, sauf pour des raisons humanitaires graves, les États membres ne devraient ni fournir aux demandeurs des documents de voyage nationaux, ni leur accorder d'autres incitations, par exemple financières, qui pourraient faciliter leurs mouvements irréguliers vers d'autres États membres. En cas de mouvements irréguliers vers d'autres États membres, les demandeurs ou les bénéficiaires d'une protection internationale devraient être tenus de retourner dans l'État membre de relocalisation, lequel devrait reprendre ces personnes sans délai. |
(40) |
Afin d'éviter les mouvements secondaires des bénéficiaires d'une protection internationale, les États membres devraient également les informer des conditions dans lesquelles ils peuvent entrer et séjourner légalement dans un autre État membre, et ils devraient pouvoir imposer une obligation de se présenter aux autorités. Conformément à la directive 2008/115/CE, les États membres devraient exiger d'un bénéficiaire d'une protection internationale qui séjourne irrégulièrement sur leur territoire qu'il retourne immédiatement vers l'État membre de relocalisation. Au cas où la personne refuse un retour volontaire, le retour vers l'État membre de relocalisation devrait être imposé. |
(41) |
En outre, en cas de retour forcé vers l'État membre de relocalisation, l'État membre qui a imposé le retour peut décider, si le droit national le prévoit, de prononcer une interdiction d'entrée sur le territoire national qui empêcherait le bénéficiaire, pour un certain laps de temps, d'entrer à nouveau sur le territoire de l'État membre en question. |
(42) |
Étant donné que la présente décision a pour objet de faire face à une situation d'urgence et d'aider l'Italie et la Grèce à renforcer leurs régimes d'asile, elle devrait permettre à ces pays de conclure, avec l'aide de la Commission, des arrangements bilatéraux avec l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse sur la relocalisation des personnes relevant de la présente décision. De tels arrangements devraient également tenir compte des éléments essentiels de la présente décision, en particulier ceux concernant la procédure de relocalisation et les droits et obligations des demandeurs ainsi que ceux liés au règlement (UE) no 604/2013. |
(43) |
Le soutien spécifique apporté à l'Italie et à la Grèce par l'intermédiaire du programme de relocalisation devrait être complété par des mesures supplémentaires, depuis l'arrivée des ressortissants de pays tiers sur le territoire de l'Italie ou de la Grèce jusqu'à l'achèvement de l'ensemble des procédures applicables, coordonnées par l'EASO et d'autres agences compétentes, comme Frontex qui assure la coordination du retour des ressortissants de pays tiers n'ayant pas le droit de rester sur le territoire, conformément à la directive 2008/115/CE. |
(44) |
Étant donné que les objectifs de la présente décision ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres mais peuvent, en raison des dimensions et des effets de l'action, l'être mieux au niveau de l'Union, celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne (TUE). Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente décision n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs. |
(45) |
La présente décision respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. |
(46) |
Conformément aux articles 1er et 2 du protocole no 21 sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande à l'égard de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au TUE et au TFUE, et sans préjudice de l'article 4 dudit protocole, le Royaume-Uni ne participe pas à l'adoption de la présente décision et n'est pas lié par celle-ci ni soumis à son application. |
(47) |
Conformément aux articles 1er et 2 du protocole no 21 sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande à l'égard de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé au TUE et au TFUE, et sans préjudice de l'article 4 dudit protocole, l'Irlande ne participe pas à l'adoption de la présente décision et n'est pas liée par celle-ci ni soumise à son application. |
(48) |
Si, à la suite d'une notification effectuée conformément à l'article 4 du protocole no 21 par un État membre visé par ledit protocole, la Commission confirme, conformément à l'article 331, paragraphe 1, du TFUE, la participation de cet État membre à la présente décision, il convient que le Conseil fixe le nombre de demandeurs devant être relocalisés vers cet État membre. Le Conseil devrait également adapter en conséquence les contingents d'autres États membres en les réduisant proportionnellement. |
(49) |
Conformément aux articles 1er et 2 du protocole no 22 sur la position du Danemark annexé au TUE et au TFUE, le Danemark ne participe pas à l'adoption de la présente décision et n'est pas lié par celle-ci ni soumis à son application. |
(50) |
Eu égard à l'urgence de la situation, la présente décision entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne, |
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION: