Magda B. a passé plusieurs semaines dans un "hotspot" comme volontaire auprès d’une ONG. Elle livre le récit du quotidien dans ces centres destinés à gérer les arrivées des demandeurs d’asile et migrants sur le territoire européen. Au fil des jours et des rencontres, Magda B. décrit un lieu où l'attente, l'ennui et aussi la violence accompagnent un parcours procédural long et incertain
Les opinions exprimées dans ce récit relèvent de la seule responsabilité de l'auteur
Une délégation d'officiels pénètre dans l’enceinte protégée où se trouve notre ONG. Il y a des femmes habillées sport chic, maquillées et au brushing impeccable, des hommes aussi. Le petit groupe est accompagné par des soldats en treillis. Ils se dirigent vers l'entrée de l'école (l'entrée consiste en un passage entre deux containers), restent là un moment. Je porte le gilet aux enseignes de mon ONG, m'approche et lance un "good morning" pour engager la conversation. Une des femmes me répond un "yassas" sec, pareil à un rideau de fer tranchant tout espoir de communication. Elle recule ostensiblement. Je ne reviendrai pas à la charge.
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Youssef vient de la bande de Gaza. Il dit appartenir au Fatah. Il est au camp depuis un an. Il est manifestement sous l'emprise de quelque drogue, mais sa pensée est claire : c'est un être humain et il demande à être traité comme tel.
Ses amis syriens ont bénéficié de la procédure "fast track", qui leur a valu un entretien à Athènes avec le GAS (Greek Asylum Service), puis le statut de réfugié. Aujourd'hui du fait de l'affluence, cette procédure fast track est devenue "slow track". Les rendez-vous avec le GAS à Athènes sont donnés aux Syriens en 2020. Mais inutile d'interrompre Youssef avec ce genre d'informations. Pour le moment il est en miettes, après qu'il a reçu le document du GAS le conviant à un entretien le 19 avril 2019. Deux ans dans ce camp, pour un jeune journaliste de la bande de Gaza qui a déjà tant souffert, c'est inhumain.
Il avait un rendez-vous avec l'EASO il y a deux jours, qui n'a pas été honoré suite aux émeutes. On lui a seulement tendu ce document le conviant à un entretien avec le GAS en avril 2019. Il aurait voulu expliquer son histoire et sa situation à l'EASO, alors même que ce renvoi direct, sans entretien, vers le GAS, est sans doute le mieux qui ait pu lui arriver, car l'EASO aurait tout aussi bien pu le renvoyer vers la Turquie. De fait, depuis qu'il a reçu cette date si lointaine de rendez-vous avec le GAS, il voudrait savoir comment retourner en Turquie.
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